Gwenyd - instants de vie
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Gwenyd - instants de vie
L’humidité du sol faisait ressortir les odeurs de terre et d’herbe asséchée par la chaleur de l’été puis par le froid de la neige hivernale mêlées à celles, piquantes, d’un parterre de menthe à quelque pas de là, ainsi que d’autres plantes aromatiques courantes dans la région. Deux jours de températures un peu plus clémentes avaient fait cesser les chutes de flocons épais, puis disparaitre le manteau blanc qui recouvrait jusque là le sol et rendait invisible au bout de quelques heures toute trace de passage.
Allongée de tout son long, immobile et dissimulée par un buisson émacié, elle surveillait avec soin le petit groupe d’hommes qui avait été lancé à sa poursuite, en espérant ne pas se faire repérer. Ils examinaient le sol et discutaient entre eux dans une langue âpre qu’elle ne comprenait pas, mais elle n’avait pas de mal à deviner la teneur de leur conversation. Ils savaient lire les signes, même s’il ne s’agissait que des maigres indices qu’elle pouvait laisser derrière elle par inadvertance, ou parce qu’elle n’avait pas le temps de les faire disparaitre avec soin. Les hommes du Pays de Dun n’étaient peut-être qu’un ramassis de barbares à peine civilisés aux yeux du peuple de la Marche, mais ils étaient expérimentés dans les régions sauvages, présents en nombre suffisant pour qu’un groupe conséquent soit envoyé à sa suite et mieux équipés qu’ils ne l’avaient jamais été. La qualité de leurs armes et de leurs armures laissait bien sûr à désirer, mais comment disait-on, déjà ? La quantité est une qualité en soi. Elle en avait fait l’amère expérience et s’il y avait bien une chose qu’elle voulait éviter, c’était de retomber entre leurs mains. Elle avait fait particulièrement attention et avec un peu de chance, cette fois-ci...
C’était le soubresaut d’une roue passant sur un nid de poule qui l’avait réveillée après l’embuscade, au moins une demi-journée plus tard si elle pouvait en croire la hauteur du soleil. Elle avait été placée au fond de la charrette parmi ses compagnons, ses pieds attachés et ses poings liés devant elle par de grossières cordes en chanvre. La plupart des rohirrim ne respiraient plus mais quelques uns semblaient encore en vie, bien qu’inconscients et mal en point, et cela lui avait donné un peu d’espoir. Le simple fait d’ouvrir les yeux et de tourner la tête d’un côté et de l’autre l’avait épuisée et une douleur lancinante parcourait son corps, s’attardant tout particulièrement dans sa main droite, son bras gauche et l’arrière de son crâne. Une envie de rendre tous ses repas depuis une semaine venait couronner le tout et l’incita à refermer les yeux pour essayer de s’abstraire des à-coups de la route.
Le bruit sourd d’un corps qui tombe à terre. Un coup d’œil derrière elle. La monture de Bewig n’a plus de cavalier. Le cheval semble s’en étonner et tourne la tête, se demandant où est passé son maitre mais, bien entrainé, il ne bouge pas de l’endroit où il s’est arrêté. La scène n’a duré qu’une fraction de seconde.
« Eorl ! »
Les yeux de Gwenyd cherchent dans l’obscurité une cible pour la javeline qu’elle tient dans sa main. Elle ne se souvient pas de l’avoir prise mais pourtant, en cet instant, l’arme familière est bien réelle entre ses doigts. Un mouvement dans le noir, le léger reflet de la lumière lunaire sur la pointe d’une flèche. Il ne lui en faut pas plus. La jeune fille projette le fin javelot de toute la force de son bras. Un cri se fait entendre, elle a touché l’homme qui se dissimulait dans les ombres.
Plusieurs adversaires surgissent soudain des eaux du marais. Les piques qu’ils brandissent sont destinées à leur retirer l’avantage de leurs montures. L’idée même que l’une d’elle puisse transpercer Aubépine lui soulève le cœur, et pourtant elle la fait avancer vers le danger, pendant qu’elle enfile son bouclier pour protéger son côté gauche depuis son pied jusqu’à ses yeux. Elle abaisse sa lance, fait faire au dernier instant un écart à sa jument pour éviter la lame menaçante, et embroche sans fioriture le piquier qui lui faisait face. Le choc est douloureux, comme à chaque fois il lui semble que son épaule va être disloquée par l’impact, mais non, l’homme s’effondre et l’élan de son cheval lui permet d’arracher la pointe d’acier du corps sans vie. Des flèches pleuvent autour d’eux et touchent. Elle entend les cris de douleur et les grognements de ses compagnons aux prises avec l’ennemi.
Elle cherche des yeux un nouvel adversaire dans l’obscurité, mais ne voit par arriver la flèche qui la frappe en pleine tête. Ou plutôt, qui frappe son casque de plein fouet. Le projectile est arrêté par le métal doublé de cuir, mais Gwenyd se sent tomber sans pouvoir rien faire pour se retenir alors que sa vision s’obscurcit. Elle reprend ses esprits assortis d’un sacré mal de crâne quelques secondes plus tard, allongée sur le dos sur la terre humide du marais. Elle a perdu son casque, mais elle n’a pas le temps de s’appesantir sur la question car au dessus d’elle une pique semble sur le point de lui passer à travers le corps. Elle redresse par réflexe son bouclier, resté attaché à son bras. La pointe est déviée et vient se ficher dans le sol avec un son mat. Un coup de pied bien placé lui donne quelques précieux instants pour se redresser et récupérer sa lance. Elle esquive le coup suivant, un pas en arrière pour garder l’avantage de son allonge plus importante. Le bouclier est bien placé et la couvre tout entière à l’exception de l’échancrure destinée à laisser passer son arme.
« Forth Eorlingas ! »
Son adversaire est un homme barbu et musculeux, les lèvres retroussées sur des dents jaunies. Son armure n’est qu’une veste de peau grossièrement tannée, sa pique, un long bâton taillé en pointe. Un Dunlending. Un grognement sourd monte de sa poitrine, un hurlement de rage contenu. Du coin de l’œil, elle voit ses compagnons, ce qu’il en reste, reculer sous la masse des assaillants. Elle les imite à contrecœur pour ne pas briser la ligne de front, un pas après l’autre. Le barbu en face d’elle darde sa pointe, mais elle repousse ses assauts sans grande difficulté. Un second le rejoint soudain, armé d’une épée, et c’est là que les choses commencent à se corser sérieusement.
Sa langue passe sur ses lèvres sèches, mais n’apporte aucune humidité. Elle n’a pas peur, elle n’en a pas le temps. Elle pare un nouveau coup de l’homme à la pique, mais ce faisant, elle se découvre et l’épéiste en profite pour passer sous sa lance et se rapprocher d’elle. Elle tente un saut désespéré en arrière et redresse son arme pour parer le coup. La lame s’abat et glisse le long du manche en bois en l’entamant sérieusement. Une douleur fulgurante jaillit dans sa main droite. Un cri lui échappe et elle recule encore, haletante. Elle serre ensuite les dents et se force à considérer la situation calmement l’espace d’un instant. Si elle veut espérer s’en sortir, il faut qu’elle élimine un des deux au plus vite. Le piquier attaque à nouveau. Ne pas reculer. Le bouclier dévie la pointe, puis vient percuter son porteur, le déséquilibrant. Juste le temps qu’il faut pour... Relever le bouclier pour parer l’épée, arracher la lance du corps inanimé... Sa main glisse sur le sang qui couvre le bois de son arme. Douleur. Son bouclier s’est brisé sous la force du coup et le bras en dessous également. Un pied la trahit et elle glisse sur le sol boueux du marais. Elle n’a que le temps de voir la lame s’abattre vers elle en un arc létal avant que sa tête ne heurte violemment l’arche de pierre. Le reste n’est qu’obscurité.
Les souvenirs confus des semaines de captivité s’estompaient au fur et à mesure qu’elle les repoussait au fin fond de son esprit. Les marches forcées, la soif, les coups et le reste... Elle ne voulait plus s’en rappeler. Seuls restaient gravés dans sa mémoire en traits enflammés les derniers instants de son eored. Ses blessures avaient guéri, plus ou moins. Elle s’en tirait avec un doigt en moins et un bras qui n’avait plus toute sa mobilité. Ils l’avaient soignée pour qu’elle vive assez longtemps pour leur être utile, pas pour lui permettre de se battre à nouveau un jour. Elle avait fini par réussir à s’enfuir, une nuit. Elle ne savait pas si d’autres avaient survécu, ils avaient été tenus séparés les uns des autres.
A présent il lui fallait parcourir en sens inverse le chemin fait en plusieurs semaines. Elle ne savait pas exactement où elle était ni où ils allaient avant qu’elle ne s’enfuie, mais elle finirait par retrouver son chemin. Elle avait encore de bonnes jambes et elle était rapide. Elle était affaiblie, aussi, mais elle ne se laisserait pas rattraper. Pas vivante, en tout cas. Retenant un éternuement qu’une herbe folle avait failli provoquer en s’agitant sous son nez au gré du vent, la jeune fille esquissa un sourire. Après plusieurs jours de traque, ses poursuivants rebroussaient chemin.
Allongée de tout son long, immobile et dissimulée par un buisson émacié, elle surveillait avec soin le petit groupe d’hommes qui avait été lancé à sa poursuite, en espérant ne pas se faire repérer. Ils examinaient le sol et discutaient entre eux dans une langue âpre qu’elle ne comprenait pas, mais elle n’avait pas de mal à deviner la teneur de leur conversation. Ils savaient lire les signes, même s’il ne s’agissait que des maigres indices qu’elle pouvait laisser derrière elle par inadvertance, ou parce qu’elle n’avait pas le temps de les faire disparaitre avec soin. Les hommes du Pays de Dun n’étaient peut-être qu’un ramassis de barbares à peine civilisés aux yeux du peuple de la Marche, mais ils étaient expérimentés dans les régions sauvages, présents en nombre suffisant pour qu’un groupe conséquent soit envoyé à sa suite et mieux équipés qu’ils ne l’avaient jamais été. La qualité de leurs armes et de leurs armures laissait bien sûr à désirer, mais comment disait-on, déjà ? La quantité est une qualité en soi. Elle en avait fait l’amère expérience et s’il y avait bien une chose qu’elle voulait éviter, c’était de retomber entre leurs mains. Elle avait fait particulièrement attention et avec un peu de chance, cette fois-ci...
***
C’était le soubresaut d’une roue passant sur un nid de poule qui l’avait réveillée après l’embuscade, au moins une demi-journée plus tard si elle pouvait en croire la hauteur du soleil. Elle avait été placée au fond de la charrette parmi ses compagnons, ses pieds attachés et ses poings liés devant elle par de grossières cordes en chanvre. La plupart des rohirrim ne respiraient plus mais quelques uns semblaient encore en vie, bien qu’inconscients et mal en point, et cela lui avait donné un peu d’espoir. Le simple fait d’ouvrir les yeux et de tourner la tête d’un côté et de l’autre l’avait épuisée et une douleur lancinante parcourait son corps, s’attardant tout particulièrement dans sa main droite, son bras gauche et l’arrière de son crâne. Une envie de rendre tous ses repas depuis une semaine venait couronner le tout et l’incita à refermer les yeux pour essayer de s’abstraire des à-coups de la route.
Le bruit sourd d’un corps qui tombe à terre. Un coup d’œil derrière elle. La monture de Bewig n’a plus de cavalier. Le cheval semble s’en étonner et tourne la tête, se demandant où est passé son maitre mais, bien entrainé, il ne bouge pas de l’endroit où il s’est arrêté. La scène n’a duré qu’une fraction de seconde.
« Eorl ! »
Les yeux de Gwenyd cherchent dans l’obscurité une cible pour la javeline qu’elle tient dans sa main. Elle ne se souvient pas de l’avoir prise mais pourtant, en cet instant, l’arme familière est bien réelle entre ses doigts. Un mouvement dans le noir, le léger reflet de la lumière lunaire sur la pointe d’une flèche. Il ne lui en faut pas plus. La jeune fille projette le fin javelot de toute la force de son bras. Un cri se fait entendre, elle a touché l’homme qui se dissimulait dans les ombres.
Plusieurs adversaires surgissent soudain des eaux du marais. Les piques qu’ils brandissent sont destinées à leur retirer l’avantage de leurs montures. L’idée même que l’une d’elle puisse transpercer Aubépine lui soulève le cœur, et pourtant elle la fait avancer vers le danger, pendant qu’elle enfile son bouclier pour protéger son côté gauche depuis son pied jusqu’à ses yeux. Elle abaisse sa lance, fait faire au dernier instant un écart à sa jument pour éviter la lame menaçante, et embroche sans fioriture le piquier qui lui faisait face. Le choc est douloureux, comme à chaque fois il lui semble que son épaule va être disloquée par l’impact, mais non, l’homme s’effondre et l’élan de son cheval lui permet d’arracher la pointe d’acier du corps sans vie. Des flèches pleuvent autour d’eux et touchent. Elle entend les cris de douleur et les grognements de ses compagnons aux prises avec l’ennemi.
Elle cherche des yeux un nouvel adversaire dans l’obscurité, mais ne voit par arriver la flèche qui la frappe en pleine tête. Ou plutôt, qui frappe son casque de plein fouet. Le projectile est arrêté par le métal doublé de cuir, mais Gwenyd se sent tomber sans pouvoir rien faire pour se retenir alors que sa vision s’obscurcit. Elle reprend ses esprits assortis d’un sacré mal de crâne quelques secondes plus tard, allongée sur le dos sur la terre humide du marais. Elle a perdu son casque, mais elle n’a pas le temps de s’appesantir sur la question car au dessus d’elle une pique semble sur le point de lui passer à travers le corps. Elle redresse par réflexe son bouclier, resté attaché à son bras. La pointe est déviée et vient se ficher dans le sol avec un son mat. Un coup de pied bien placé lui donne quelques précieux instants pour se redresser et récupérer sa lance. Elle esquive le coup suivant, un pas en arrière pour garder l’avantage de son allonge plus importante. Le bouclier est bien placé et la couvre tout entière à l’exception de l’échancrure destinée à laisser passer son arme.
« Forth Eorlingas ! »
Son adversaire est un homme barbu et musculeux, les lèvres retroussées sur des dents jaunies. Son armure n’est qu’une veste de peau grossièrement tannée, sa pique, un long bâton taillé en pointe. Un Dunlending. Un grognement sourd monte de sa poitrine, un hurlement de rage contenu. Du coin de l’œil, elle voit ses compagnons, ce qu’il en reste, reculer sous la masse des assaillants. Elle les imite à contrecœur pour ne pas briser la ligne de front, un pas après l’autre. Le barbu en face d’elle darde sa pointe, mais elle repousse ses assauts sans grande difficulté. Un second le rejoint soudain, armé d’une épée, et c’est là que les choses commencent à se corser sérieusement.
Sa langue passe sur ses lèvres sèches, mais n’apporte aucune humidité. Elle n’a pas peur, elle n’en a pas le temps. Elle pare un nouveau coup de l’homme à la pique, mais ce faisant, elle se découvre et l’épéiste en profite pour passer sous sa lance et se rapprocher d’elle. Elle tente un saut désespéré en arrière et redresse son arme pour parer le coup. La lame s’abat et glisse le long du manche en bois en l’entamant sérieusement. Une douleur fulgurante jaillit dans sa main droite. Un cri lui échappe et elle recule encore, haletante. Elle serre ensuite les dents et se force à considérer la situation calmement l’espace d’un instant. Si elle veut espérer s’en sortir, il faut qu’elle élimine un des deux au plus vite. Le piquier attaque à nouveau. Ne pas reculer. Le bouclier dévie la pointe, puis vient percuter son porteur, le déséquilibrant. Juste le temps qu’il faut pour... Relever le bouclier pour parer l’épée, arracher la lance du corps inanimé... Sa main glisse sur le sang qui couvre le bois de son arme. Douleur. Son bouclier s’est brisé sous la force du coup et le bras en dessous également. Un pied la trahit et elle glisse sur le sol boueux du marais. Elle n’a que le temps de voir la lame s’abattre vers elle en un arc létal avant que sa tête ne heurte violemment l’arche de pierre. Le reste n’est qu’obscurité.
***
Les souvenirs confus des semaines de captivité s’estompaient au fur et à mesure qu’elle les repoussait au fin fond de son esprit. Les marches forcées, la soif, les coups et le reste... Elle ne voulait plus s’en rappeler. Seuls restaient gravés dans sa mémoire en traits enflammés les derniers instants de son eored. Ses blessures avaient guéri, plus ou moins. Elle s’en tirait avec un doigt en moins et un bras qui n’avait plus toute sa mobilité. Ils l’avaient soignée pour qu’elle vive assez longtemps pour leur être utile, pas pour lui permettre de se battre à nouveau un jour. Elle avait fini par réussir à s’enfuir, une nuit. Elle ne savait pas si d’autres avaient survécu, ils avaient été tenus séparés les uns des autres.
A présent il lui fallait parcourir en sens inverse le chemin fait en plusieurs semaines. Elle ne savait pas exactement où elle était ni où ils allaient avant qu’elle ne s’enfuie, mais elle finirait par retrouver son chemin. Elle avait encore de bonnes jambes et elle était rapide. Elle était affaiblie, aussi, mais elle ne se laisserait pas rattraper. Pas vivante, en tout cas. Retenant un éternuement qu’une herbe folle avait failli provoquer en s’agitant sous son nez au gré du vent, la jeune fille esquissa un sourire. Après plusieurs jours de traque, ses poursuivants rebroussaient chemin.
Gwenyd- Nombre de messages : 184
Age : 40
Date d'inscription : 06/08/2011
Re: Gwenyd - instants de vie
année 3008 TA
De là où elle était, elle pouvait voir la pente herbeuse du pâturage et, plus loin, le champ de ses parents avec ses hauts épis de blé ondulant sous la brise. Au-delà, à moitié dissimulés, se trouvaient les bâtiments de la ferme en pierres sèches. La fumée de la cheminée s’étirait paresseusement pour s’étioler peu à peu, se fondre dans l’air chaud et le ciel bleu de ce début d’été. Plus loin encore, elle pouvait voir la ferme des parents de Cynelle. Elle ne distinguait qu’à peine le détail des bâtiments. Pourtant, elle était perchée sur sa branche, au sommet de l’arbre le plus haut du pâturage. Elle savait toutefois pour y être allée à de nombreuses reprises qu’ils étaient quasiment identiques à ceux de sa famille. Comme à toutes les autres fermes du voisinage d’ailleurs.
Mais ce n’était pas le paysage qu’elle voulait contempler en grimpant là-haut, non. Ce que voulait surveiller la petite fille, c’était la personne en train d’approcher sur le chemin longeant le champ. Son père venait toujours vérifier comment elle se débrouillait avec les chèvres en début d’après-midi, depuis qu’il lui avait confié la responsabilité, quelques semaines auparavant, de surveiller le troupeau. Il avait estimé qu’elle avait à peu près six ou sept ans à présent et qu’elle était assez grande pour avoir cette charge.
« Gwenyd ! » Le chuchotement était pressant et Gwenyd baissa le regard vers le pied du tronc. Elle replaça derrière son oreille une mèche de longs cheveux blonds qui lui barrait la vue. Cynelle se pressait contre le tronc de l’arbre, les yeux levés vers elle en un mélange d’inquiétude et d’excitation. Gwenyd agita sa main en un geste pressant et la petite fille aux cheveux roux partit se dissimuler dans le buisson où elle aurait déjà dû se trouver normalement. La fillette blonde releva sa jupe pour avancer sur la branche avec précaution, s’éloignant à pas prudents du tronc à la stabilité rassurante. Ses pieds nus épousaient la forme de la branche, les orteils crispés pour offrir une meilleure prise. Il fallait qu’elle atteigne cette fourche, juste à quelques pas, avant que son père n’arrive sous l’arbre.
Plus que deux pas... Un... Gwenyd se laissa aller doucement en avant pour poser ses mains sur la branche et s’installer confortablement assise dans la fourche. Elle regarda autour d’elle avec une expression satisfaite. Un écran de feuillage la dissimulait aux regards venus d’en bas. Elle fouilla dans sa besace et en sortit une poignée de petits cailloux bien ronds. Son père était presque à portée.
« Gwenyd ! » Le regard errant sur les chèvres abandonnées, le père de Gwenyd s’était arrêté, les sourcils froncés. Soudain, deux chocs à l’épaule en une rapide succession le firent se retourner brusquement. La petite fille souriait jusqu’aux oreilles, espérant que Cynelle ne ratait pas une miette du spectacle. Pour le moment il n’avait pas l’air de se douter de la provenance des chocs, Gwenyd lança donc un autre caillou qui heurta sa jambe. Cette fois il leva les yeux vers l’arbre et la fillette décida qu’il était temps de changer de place.
Elle se remit d’aplomb sur la branche, se mordillant la lèvre avec une expression concentrée. Il fallait qu’elle revienne vers le tronc sans faire de bruit. En passant de l’autre côté elle pouvait redescendre sans que son père ne la voit. Il approchait à présent de l’arbre et Gwenyd précipita ses derniers pas pour venir enlacer le tronc, le cœur battant à tout rompre. Elle avait manqué de perdre l’équilibre. Mais elle n’avait pas le temps de reprendre ses esprits, il fallait qu’elle descende rapidement de là. Elle tendit un pied vers la branche la plus proche, sur sa gauche, pour faire le tour du tronc. Elle resta pendant un instant en équilibre précaire entre deux branches avant de donner une impulsion de son pied droit pour se stabiliser sur son nouveau perchoir.
La branche suivante était plus éloignée mais, galvanisée par son premier succès, elle tendit son pied avec confiance... et ne trouva que du vide. Elle laissa échapper un cri qui s’étrangla dans sa gorge lorsqu’elle parvint de justesse à agripper la branche qu’elle voulait atteindre à l’origine. Ses jambes se balançaient à présent dans le vide et ses bras faiblissaient d’instant en instant. Un coup d’œil vers le sol confirma à Gwenyd que d’une part son père l’avait repérée, et que d’autre part plusieurs mètres la séparaient de lui. Elle devait réussir à remonter sur la branche, elle devait...
Les forces de la fillette l’abandonnèrent à cet instant et elle tomba pour atterrir dans les bras de l’homme. Des yeux innocents rencontrèrent un regard courroucé. Elle était dans de beaux draps...
De là où elle était, elle pouvait voir la pente herbeuse du pâturage et, plus loin, le champ de ses parents avec ses hauts épis de blé ondulant sous la brise. Au-delà, à moitié dissimulés, se trouvaient les bâtiments de la ferme en pierres sèches. La fumée de la cheminée s’étirait paresseusement pour s’étioler peu à peu, se fondre dans l’air chaud et le ciel bleu de ce début d’été. Plus loin encore, elle pouvait voir la ferme des parents de Cynelle. Elle ne distinguait qu’à peine le détail des bâtiments. Pourtant, elle était perchée sur sa branche, au sommet de l’arbre le plus haut du pâturage. Elle savait toutefois pour y être allée à de nombreuses reprises qu’ils étaient quasiment identiques à ceux de sa famille. Comme à toutes les autres fermes du voisinage d’ailleurs.
Mais ce n’était pas le paysage qu’elle voulait contempler en grimpant là-haut, non. Ce que voulait surveiller la petite fille, c’était la personne en train d’approcher sur le chemin longeant le champ. Son père venait toujours vérifier comment elle se débrouillait avec les chèvres en début d’après-midi, depuis qu’il lui avait confié la responsabilité, quelques semaines auparavant, de surveiller le troupeau. Il avait estimé qu’elle avait à peu près six ou sept ans à présent et qu’elle était assez grande pour avoir cette charge.
« Gwenyd ! » Le chuchotement était pressant et Gwenyd baissa le regard vers le pied du tronc. Elle replaça derrière son oreille une mèche de longs cheveux blonds qui lui barrait la vue. Cynelle se pressait contre le tronc de l’arbre, les yeux levés vers elle en un mélange d’inquiétude et d’excitation. Gwenyd agita sa main en un geste pressant et la petite fille aux cheveux roux partit se dissimuler dans le buisson où elle aurait déjà dû se trouver normalement. La fillette blonde releva sa jupe pour avancer sur la branche avec précaution, s’éloignant à pas prudents du tronc à la stabilité rassurante. Ses pieds nus épousaient la forme de la branche, les orteils crispés pour offrir une meilleure prise. Il fallait qu’elle atteigne cette fourche, juste à quelques pas, avant que son père n’arrive sous l’arbre.
Plus que deux pas... Un... Gwenyd se laissa aller doucement en avant pour poser ses mains sur la branche et s’installer confortablement assise dans la fourche. Elle regarda autour d’elle avec une expression satisfaite. Un écran de feuillage la dissimulait aux regards venus d’en bas. Elle fouilla dans sa besace et en sortit une poignée de petits cailloux bien ronds. Son père était presque à portée.
« Gwenyd ! » Le regard errant sur les chèvres abandonnées, le père de Gwenyd s’était arrêté, les sourcils froncés. Soudain, deux chocs à l’épaule en une rapide succession le firent se retourner brusquement. La petite fille souriait jusqu’aux oreilles, espérant que Cynelle ne ratait pas une miette du spectacle. Pour le moment il n’avait pas l’air de se douter de la provenance des chocs, Gwenyd lança donc un autre caillou qui heurta sa jambe. Cette fois il leva les yeux vers l’arbre et la fillette décida qu’il était temps de changer de place.
Elle se remit d’aplomb sur la branche, se mordillant la lèvre avec une expression concentrée. Il fallait qu’elle revienne vers le tronc sans faire de bruit. En passant de l’autre côté elle pouvait redescendre sans que son père ne la voit. Il approchait à présent de l’arbre et Gwenyd précipita ses derniers pas pour venir enlacer le tronc, le cœur battant à tout rompre. Elle avait manqué de perdre l’équilibre. Mais elle n’avait pas le temps de reprendre ses esprits, il fallait qu’elle descende rapidement de là. Elle tendit un pied vers la branche la plus proche, sur sa gauche, pour faire le tour du tronc. Elle resta pendant un instant en équilibre précaire entre deux branches avant de donner une impulsion de son pied droit pour se stabiliser sur son nouveau perchoir.
La branche suivante était plus éloignée mais, galvanisée par son premier succès, elle tendit son pied avec confiance... et ne trouva que du vide. Elle laissa échapper un cri qui s’étrangla dans sa gorge lorsqu’elle parvint de justesse à agripper la branche qu’elle voulait atteindre à l’origine. Ses jambes se balançaient à présent dans le vide et ses bras faiblissaient d’instant en instant. Un coup d’œil vers le sol confirma à Gwenyd que d’une part son père l’avait repérée, et que d’autre part plusieurs mètres la séparaient de lui. Elle devait réussir à remonter sur la branche, elle devait...
Les forces de la fillette l’abandonnèrent à cet instant et elle tomba pour atterrir dans les bras de l’homme. Des yeux innocents rencontrèrent un regard courroucé. Elle était dans de beaux draps...
Gwenyd- Nombre de messages : 184
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